Echec, et apprentissage: comment réellement apprendre de vos erreurs ?

Soumis par Anonyme (non vérifié) le jeu 09/06/2016 - 00:00
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"Le meilleur et le plus difficile travail est accompli dans un état d’esprit d’aventure et de défi. Où des erreurs seront commises," William McKnight, ancien président de la société 3M. "Les erreurs ne sont pas forcément des fléaux, des catastrophes. En fait, elles ne sont pas mauvaises. Elles sont les necessaires et inévitables conséquences de faire quelque chose de nouveau, et devraient être vues comme précieuses,"Ed Catmull, président de Pixar.

Abandon, et échec. "Depuis un certain temps, vous vous dévouez corps et âme à une activité (...) un travail, des études universitaires, une start-up, une relation amoureuse, un engagement caritatif, un sport, etc. - (...) et dans vos moment les plus honnêtes, vous vous rendez bien compte que cela ne donne rien. Alors, pourquoi n’abandonnez-vous pas ?" demandent Steven Levitt et Stephen Dubner dans leur ouvrage "Pensez comme un freak !" , et de répondre

  • La première raison qui vous en empêche est que des personnes - des amis, parents, professeurs, etc. - vous ont inlassablement répétées qu’il ne faut pas abandonner. Que l'abandon est synonyme d’échec. Et que l’échec est mal vu dans notre société dans laquelle régne ce commandement: "Tu dois réussir...ton examen, ton permis de conduire, ton entretien d'embauche, etc."
  • La deuxiéme raison, "c’est le concept des coûts irrécupérables (...) il s’agit du temps, de l’argent ou du capital-sueur que vous avez déjà investis dans un projet. On a tendance à croire qu’une fois qu’on a investi lourdement, abandonner serait contre-productif." 
  • La troisième raison "qui dissuade les gens d’abandonner, c’est une tendance à se focaliser sur le scoûts concrets et à ne pas prêter suffisamment d'attention aux coûts d’opportunité." Il y a donc une confrontion temporelle: entre le court-terme, qui l'on peut apprécier, et le long-terme, qui est indescriptible, inprédictible. Tourne alors en boucle dans la tête du prétendant à "l'abandon" cette question à la réponse oh combien inconfortable: est-ce que le long terme et les coûts d’opportunités l’emportent sur les coûts irrécupérables ?

"En médecine ou en sciences, si vous vous engagez dans une voie sans issue, vous apportez une réelle contribution, car les autres sauront que ce n’est pas la peine de s’engager à nouveau dans cette voie. Les journalistes appellent ça un échec. Et donc les politiques ne sont pas prêts à innover et à prendre des risques," Michael Bloomberg, Homme politique étatsuniens.

 

De la trop grande importance accordée au succès. Selon Levitt et Dubner, "notre société chronique le succès de manière aggressive, voire hystérique. Les choses ne se passeraient-elles pas mieux pour nous tous si les échecs étaient moins stigmatisés ?" "En l'espace de 5 ans, Thomas Edison est venu avec l’ampoule, le phonographe, et l'émetteur de carbone utilisé dans les téléphones - alors qu’il a aussi déposé plus de 100 brevets qui n’ont en rien enflamé le monde, y compris une poupée parlante qui a fini par effrayer les enfants (et adultes)", explique Adam Grant dans son article "How to build a culture of originality" (HBR March 2016), avant de renchérir: "Être prolifique augmente l'originalité, parce que le volume améliore vos chances de trouver de nouvelles solutions." Ne vous fiez pas à une, ni à 20 idées. Allez au delà, toujours au delà. Et testez. Et réussissez. Et échouez. Et apprenez.

Test, "fail", and learn. Entre l’argent et le temps engagé dans un projet, "la clef, c’est d’arriver à un échec rapide et bon marché. C’est une devise qui nous vient de la Silicon Valley. Je préfère l’expression échouer bien ou échouer intelligemment," explique Geoff Deane, dirigeant du laboratoire "Intellectual Ventures", entreprise technologique située non loin de Seattle. Et de rajouter que le plus difficile c’est de "former les gens pour qu’ils comprennent que les risques font partie de leur boulot et que s’ils échouent bien, ils auront le droit d’échouer à nouveau (...) L’échec doit être reconnu comme une victoire." C'est ainsi qu'une coutume est d’organiser à "Intellectual Ventures", pour tout échec, une fête. Avec à boire, à manger, des mots d’hommages sur le projet enterré. L'objectif ? Ne pas planquer l’échec sous le tapis, mais, au contraire, l'assumer, l'intégrer, l'accueillir pleinement et ouvertement. En d'autres termes: ne pas diaboliser l'insuccés de peur que les gens évitent, ensuite, de prendre des risques. 

On peut dire que l’échec n’est pas nécessairement l’ennemi de la réussite, du moment qu’on en tient compte, Steven Levitt et Stephen Dubner

 

Succés / échecs, et le rôle du hasard. "On attribue généralement ses succès à son travail, à son brio et à ses compétences plutôt qu’à la chance ; en revanche on impute ses échecs à la mauvaise fortune. Ce phénomène appelé biais d’attribution fait obstacle à l’apprentissage. En fait, si l’on n’admet pas que ses échecs résultent de ses propres actes, on ne tire pas les enseignements de ses erreurs. Lors d’une étude conduite avec Chris Myers, nous avons demandé aux participants de se pencher à une semaine d’intervalle sur deux tâches décisionneles différentes. Chacune de ses tâches comportait une solution correcte, mais seules quelques personnes ont été capables de la trouver. Nous avons constaté que les participants qui avaient endossé la responsabilité de leur mauvais résultat à la première tentative avaient presque trois fois plus de chances de réussir à la seconde. Après avoir tiré la leçon de leur échec, ils ont pris de meilleurs décisions," expliquent Franscesca Gino et Bradley Staats dans leur article "Pourquoi les organisations n’apprennent pas" (HBR France Juin-Juillet 2016)

Plûtot que des sujets de honte, de sanction, les erreurs doivent être appréciées comme des occasions d’apprendre. Et il est même possible de prédire l'insuccès avant qu'il ne se réalise potentiellement. C'est l'obejt de l'analyse pré-mortem, ou du recul prospectif. Désaccordez-vous ! Au lieux de tomber dans le biais de confirmation, et de ne prendre en compte que les indices qui corroborent votre hypothèse, source de votre future décision, demandez-vous en quoi vous avez tort. Projetez-vous dans l’avenir et imaginez que votre décision a été un échec. Et soyez à l'écoute des faibles signaux, ces indicateurs qui peinent à s'exprimer. Et interrogez-vous: "Comment cela a pu se produire ? Quelle en est la cause ?" Une technique qui permet de déceler de potentiels problèmes. "Un pré-mortem cherche à déterminer ce qui est susceptible de mal se passer avant qu’il ne soit trop tard (...) ce qui permet de faire ressortir tous les défauts ou réserves que personne n’ose verbaliser."

Dans leur article "Increase Your Return on Failure", Julian Birkinshaw et Martine Haas s’interrogent sur cette question: Comment réellement apprendre de nos échecs ? Trois étapes sont identifées.

Etape 1: Apprenez de tous, oui, de tous vos échecs. "Examiner les problèmes du passé n’est pas seulement fastidieux, c'est douloureux. La plupart d'entre nous préférent investir son temps à regarder vers l'avenir que vers le passé. Nous vous recommandons de décortiquer votre projet afin de savoir ce que vous avez appris de chaques choses: les clients et la dynamique du marché ; la stratégie de votre organisation, sa culture, ses procédures, vous-mêmes et votre équipe, les tendances futures. Nous avons constaté que lorsque vous encouragez les gens à parler de leurs projets de cette façon, le résultat est éclairant, constructif. Cela les oblige à penser à tout ce qu'ils ont appris, à comment cela pourrait les aider à aller de l'avant, et tous les effets secondaires -et positifs - qu’ils sont pu tirer de cette expérience."

Etape 2: Partagez les leçons. "Bien qu'il soit utile de réfléchir sur les échecs individuels, la vraie récompense vient quand vous diffusez ces leçons au sein de votre organisation. Lorsque ces informations, ces idées et ces possibilités d'amélioration acquises au cours d’un projet sans succès sont transmis à d’autres, leurs avantages - bénéfices - sont amplifiés . En réfléchissant sur ​​les aspects positifs de ces échecs, vous construisez au sein de votre entreprise un sentiment de confiance, de bienveillance, et vous balisez un chemin, clair, pour que d’autres n’hésite pas à prendre eux -mêmes des risques. Certaines organisations ont même formalisé le partage à l’ensemble de leurs employés des enseignements liès à l’échec. Ainsi, au sein d’Ingénieurs Sans Frontières International, une organisation à but non lucratif qui vise à améliorer la qualité de vie dans les communautés défavorisées à travers le monde, les dirigeants étaient tellement frustrés par la manque de diffusion des connaissances dans leurs réseaux - les affiliées - qu’ils ont lancé un rapport public nommé "Rapport d’échec" qui, chaque année, recense et décortique les plus gros projets qui se sont soldés par des fiasco."

Etape 3: Passer en revue vos motifs, les "pattern", de vos échecs "La troisième étape consiste à prendre une vue d'ensemble au sein de votre organisation et de se demander si votre approche à l'échec fonctionne. Apprenez-vous de tous vos essais infructueux ? Partagez-vous ces leçons à travers l'organisation ? Et tout ceci vous aide, ou pas, à améliorer votre stratégie et son exécution ?"

"Ces examens, ces questions, montrent à vos employés une plus grande ouverture d’esprit face à l’échec. Nous avons vu plusieurs entreprises créent des prix célébrant l'échec : l'agence de New York Gris a un prix d'échec héroïque ; NASA a “Lean Forward”, “Fail Smart award”, et le Groupe Tata a le “Dare to Try award”, qui comptait 240 souscriptions en 2013."

Nous voulons que les gens soient audacieux, et qu’ils n’aient pas peur d’échouer, confia à "Bloomberg Businessweek", en 2009, Sunil Sinha, chef de "Tata Quality Management Services"

"L'échec est moins douloureux lorsque vous en extrayez le maximum de valeurs, de données. Si vous apprenez de chaque erreur, grandes et petites, partager ces leçons, et vérifiez périodiquement que ces processus aident votre organisation à évoluer plus efficacement dans la bonne direction, et que votre "retour sur échec" monte en flèche."

Aussi, préfèrez l’équivalent anglais de l’expression française "prendre un risque", et qui est "take a chance". Et donc, dés demain, qu’est-ce que vous allez faire pour saisir votre chance ?

Sources: 

  • "Pensez comme un Freak", Steven Levitt et Stephen Dubner, éditions De boeck, 2016
  • "Increase your return on failure", Julian Birkinshaw et Martine Haas, Harvard Business Review, May 2016
  • "How to build a culture of originality", Adam Grant, Harvard Business Review, March 2016
  • "Pourquoi les organisations n'apprennent pas", Francesca Gino et Bradley Staats, Harvard Business Review France, Juin/Juillet 2016

Article rédigé par McGulfin / Fabien Salliou

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