« Oui » et « non » : le langage du corps

Soumis par Anonyme (non vérifié) le ven 28/01/2011 - 00:00
corps

 

Article de Aline Mohen-Vincent publié le 19/01/2011 dans la revue "Le cercle psy"

Apparemment elle n’est pas la seule à s’intéresser aux liens existant entre le corps et le mental

« Non, merci ! » Pour refuser fermement quelque chose, on a tendance à placer ses mains en avant, en mimant le geste de « repousser » la proposition, comme si on poussait un objet. D’ailleurs, le mot « repousser » sert également à exprimer son refus. Si le « non » est associé à un geste, c’est peut-être qu’il existe une relation étroite entre les idées et les mouvements du corps. C’est en tout cas ce qu’affirme la théorie de la « cognition incarnée », très en vogue dans les sciences cognitives. Elle suppose que les représentations mentales plongent leurs racines dans nos systèmes perceptif, émotionnel et moteur. Un exemple simple l’illustre : essayez d’expliquer ce qu’est un escalier en colimaçon, sans avoir recours à vos mains…
Pour asseoir la théorie de la cognition incarnée, des chercheurs ont mis au point des protocoles expérimentaux ingénieux, destinés à repérer les correspondances entre une représentation mentale et les réactions corporelles qu’elles suscitent. Une équipe vient notamment de démontrer l’existence d’un lien entre deux idées simples – dire « oui » et « non » -, et le geste de « tirer » ou de « pousser ». L’expérience consiste à présenter à des volontaires des listes de mots, en leur demandant s’ils contiennent ou non la lettre « a ». Facile, n’est ce pas ? L’exercice se complique un petit peu si, au lieu de répondre par « oui » ou « non », les personnes doivent tirer une manette à eux (pour dire oui) ou la pousser (pour dire non), le tout le plus rapidement possible. Dans un autre groupe, la consigne est inverse : il faut pousser la manette pour dire oui, la tirer pour dire non. S’il existe quelque part dans notre cerveau une association entre l’affirmation (« oui ») et le geste (« tirer »), on suppose que la réaction est facilitée. Dans ce cas, on réagit plus vite que s’il y a une discordance entre la réponse et sa traduction physique. C’est justement ce que confirme l’étude menée par Thibaut Brouillet et certains de ses collègues. La différence dans les temps de réponse des deux groupes montre bien qu’il existe un lien entre dire oui et le fait de tirer à soi, et dire « non » et le faire de pousser loin de soi.
T. Brouillet avait déjà montré une liaison entre « oui » et une émotion positive, et « non » et une émotion négative. L’intérêt de cette nouvelle expérience est de confirmer le lien étroit entre le corps et une idée dépourvue de toute dimension affective.
Thibaut Brouillet, Loïc Heurley, Sophie Martin, et Denis Brouillet (2010). Emotion et cognition incarnée : la dimension motrice des réponses verbales « oui » et « non ». Canadian Journal of Experimental Psychology, Canadian Psychological Association, 64 (2) 

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